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Page:Zola - La Débâcle.djvu/553

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Maqua, pour intéresser les Delaherche au sort de l’oncle Fouchard. Elle avait entendu parler avec des sourires de l’influence toute-puissante que Gilberte possédait sur M. de Gartlauben. Aussi resta-t-elle un peu gênée, devant madame Delaherche, qu’elle rencontra la première, dans l’escalier, remontant chez le colonel, et à qui elle crut devoir expliquer le but de sa visite.

— Oh ! madame, que vous seriez bonne d’intervenir !… Mon oncle est dans une position terrible, on parle de l’envoyer en Allemagne.

La vieille dame, qui l’aimait pourtant, eut un geste de colère.

— Mais, ma chère enfant, je n’ai aucun pouvoir… Il ne faut pas s’adresser à moi…

Puis, malgré l’émotion où elle la voyait :

— Vous arrivez très mal, mon fils part ce soir pour Bruxelles… D’ailleurs, il est comme moi, sans puissance aucune… Adressez-vous donc à ma belle-fille, qui peut tout.

Et elle laissa Henriette interdite, convaincue maintenant qu’elle tombait dans un drame de famille. Depuis la veille, madame Delaherche avait pris la résolution de tout dire à son fils, avant le départ de celui-ci pour la Belgique, où il allait traiter un achat important de houille, dans l’espoir de remettre en marche les métiers de sa fabrique. Jamais elle ne tolérerait que l’abomination recommençât, à côté d’elle, pendant cette nouvelle absence. Elle attendait donc pour parler d’être certaine qu’il ne renverrait pas son départ à un autre jour, comme il le faisait depuis une semaine. C’était l’écroulement de la maison, le Prussien chassé, la femme elle aussi jetée à la rue, son nom affiché ignominieusement contre les murs, ainsi qu’on avait menacé de le faire, pour toute Française qui se livrerait à un Allemand.

Lorsque Gilberte aperçut Henriette, elle poussa un cri de joie.