— Ah ! que je suis heureuse de te voir !… Il me semble qu’il y a si longtemps, et l’on vieillit si vite, au milieu de ces vilaines histoires !
Elle l’avait entraînée dans sa chambre, elle la fit asseoir sur la chaise longue, se serra contre elle.
— Voyons, tu vas déjeuner avec nous… Mais, auparavant, causons. Tu dois avoir tant de choses à me dire !… Je sais que tu es sans nouvelles de ton frère. Hein ? ce pauvre Maurice, comme je le plains, dans ce Paris sans gaz, sans bois, sans pain peut-être !… Et ce garçon que tu soignes, l’ami de ton frère ? Tu vois qu’on m’a déjà fait des bavardages… Est-ce que c’est pour lui que tu viens ?
Henriette tardait à répondre, prise d’un grand trouble intérieur. N’était-ce pas, au fond, pour Jean qu’elle venait, pour être certaine que, l’oncle relâché, on n’inquiéterait plus son cher malade ? Cela l’avait emplie de confusion, d’entendre Gilberte parler de lui, et elle n’osait plus dire le motif véritable de sa visite, la conscience désormais souffrante, répugnant à employer l’influence louche qu’elle lui croyait.
— Alors, répéta Gilberte, d’un air de malignité, c’est pour ce garçon que tu as besoin de nous ?
Et, comme Henriette, acculée, parlait enfin de l’arrestation du père Fouchard :
— Mais, c’est vrai ! suis-je assez sotte ! moi qui en causais encore ce matin !… Oh ! ma chère, tu as bien fait de venir, il faut s’occuper de ton oncle tout de suite, parce que les derniers renseignements que j’ai eus ne sont pas bons. Ils veulent faire un exemple.
— Oui, j’ai songé à vous autres, continua Henriette d’une voix hésitante. J’ai pensé que tu me donnerais un bon conseil, que tu pourrais peut-être agir…
La jeune femme eut un bel éclat de rire.
— Es-tu bête, je vais faire relâcher ton oncle avant trois jours !… On ne t’a donc pas dit que j’ai ici, dans la