Page:Zola - La Débâcle.djvu/585

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

plement obéir à sa consigne, sans faire de mal à personne. Mais il y eut un cri de surprise, Maurice qui s’était approché, se jetait à son cou, l’embrassait fraternellement.

— Comment, c’est toi !… Ma sœur m’a écrit. Moi qui voulais, ce matin, aller te demander aux bureaux de la guerre !

De grosses larmes de joie avaient troublé les yeux de Jean.

— Ah ! mon pauvre petit, que je suis content de te revoir !… Moi aussi, je t’ai cherché ; mais où aller te prendre, dans cette grande gueuse de ville ?

La foule grondait toujours, et Maurice se retourna.

— Citoyens, laissez-moi donc leur parler ! Ce sont de braves gens, je réponds d’eux.

Il prit les deux mains de son ami, et à voix plus basse :

— N’est-ce pas, tu restes avec nous ?

Le visage de Jean exprima une surprise profonde.

— Avec vous, comment ça ?

Puis, un instant, il l’écouta s’irriter contre le gouvernement, contre l’armée, rappeler tout ce qu’on avait souffert, expliquer qu’on allait enfin être les maîtres, punir les incapables et les lâches, sauver la République. Et, à mesure qu’il s’efforçait de le comprendre, sa calme figure de paysan illettré s’assombrissait d’un chagrin croissant.

— Ah ! non, non ! mon petit, je ne reste pas, si c’est pour cette belle besogne… Mon capitaine m’a dit d’aller à Vaugirard, avec mes hommes, et j’y vais. Quand le tonnerre de Dieu y serait, j’irais tout de même. C’est naturel, tu dois sentir ça.

Il s’était mis à rire, plein de simplicité. Il ajouta :

— C’est toi qui vas venir avec nous.

Mais, d’un geste de furieuse révolte, Maurice lui avait lâché les mains. Et tous deux restèrent quelques secondes