nièce pour soigner, à elles deux, son mari blessé par les Versaillais. Les grands obstacles commencèrent dans les rues, des barricades barraient la chaussée à chaque instant, il fallait faire de continuels détours. Enfin, au boulevard Poissonnière, le voiturier déclara qu’il n’irait pas plus loin. Et les deux femmes durent continuer à pied, par la rue du Sentier, la rue des Jeûneurs et tout le quartier de la Bourse. À mesure qu’elles s’étaient approchées des fortifications, le ciel incendié les avait éclairées d’une clarté de plein jour. Maintenant, elles étaient surprises du calme désert de cette partie de la ville, où ne parvenait que la palpitation d’un grondement lointain. Dès la Bourse pourtant, des coups de feu leur arrivèrent, il leur fallut se glisser le long des maisons. Rue de Richelieu, quand elle eut retrouvé sa boutique intacte, ce fut la grosse dame, ravie, qui tint absolument à mettre sa compagne dans son chemin : rue du Hasard, rue Sainte-Anne, enfin rue des Orties. Des fédérés, dont le bataillon occupait encore la rue Sainte-Anne, voulurent un moment les empêcher de passer. Enfin, il était quatre heures, il faisait jour, lorsque Henriette, épuisée d’émotions et de fatigue, trouva grande ouverte la vieille maison de la rue des Orties. Et, après avoir monté l’étroit escalier sombre, elle dut prendre, derrière une porte, une échelle qui conduisait sur les toits.
Maurice, à la barricade de la rue du Bac, entre les deux sacs de terre, avait pu se relever sur les genoux, et une espérance s’était emparée de Jean, qui croyait l’avoir cloué au sol.
— Oh ! mon petit, est-ce que tu vis encore ? Est-ce que j’aurai cette chance, sale brute que je suis ?… Attends, laisse-moi voir.
Il examina la blessure avec précaution, à la clarté vive des incendies. La baïonnette avait traversé le bras, près de l’épaule droite ; et le pis était qu’elle avait pénétré