ensuite entre deux côtes, intéressant sans doute le poumon. Pourtant, le blessé respirait sans trop de difficulté. Son bras seul pendait, inerte.
— Mon pauvre vieux, ne te désespère donc pas ! Je suis content tout de même, j’aime mieux en finir… Tu avais assez fait pour moi, car il y a longtemps, sans toi, que j’aurais crevé ainsi, au bord d’un chemin.
Mais, à l’entendre dire ces choses, Jean était repris d’une violente douleur.
— Veux-tu te taire ! Tu m’as sauvé deux fois des pattes des Prussiens. Nous étions quittes, c’était à mon tour de donner ma vie, et je te massacre… Ah ! tonnerre de Dieu ! J’étais donc soûl, que je ne t’ai pas reconnu, oui ! soûl comme un cochon, d’avoir déjà trop bu de sang !
Des larmes avaient jailli de ses yeux, au souvenir de leur séparation, là-bas, à Remilly, lorsqu’ils s’étaient quittés en se demandant si l’on se reverrait un jour, et comment, dans quelles circonstances de douleur ou de joie. Ça ne servait donc à rien d’avoir passé ensemble des jours sans pain, des nuits sans sommeil, avec la mort toujours présente ? C’était donc, pour les amener à cette abomination, à ce fratricide monstrueux et imbécile, que leurs cœurs s’étaient fondus l’un dans l’autre, pendant ces quelques semaines d’héroïque vie commune ? Non, non ! il se révoltait.
— Laisse-moi faire, mon petit, il faut que je te sauve.
D’abord, il devait l’emmener de là, car la troupe achevait les blessés. La chance voulait qu’ils fussent seuls, il s’agissait de ne pas perdre une minute. Vivement, à l’aide de son couteau, il fendit la manche, enleva ensuite l’uniforme entier. Du sang coulait, il se hâta de bander le bras solidement, avec des lambeaux arrachés de la doublure. Ensuite, il tamponna la plaie du torse, attacha le bras par-dessus. Il avait heureusement un bout de corde, il serra avec force ce pansement barbare, qui