naient-ils à détruire certains dossiers. Il n’était même plus question de se défendre, d’arrêter par le feu les troupes victorieuses. Seule, la démence soufflait, le Palais de Justice, l’Hôtel-Dieu, Notre-Dame venaient d’être sauvés, au petit bonheur du hasard. Détruire pour détruire, ensevelir la vieille humanité pourrie sous les cendres d’un monde, dans l’espoir qu’une société nouvelle repousserait heureuse et candide, en plein paradis terrestre des primitives légendes !
— Ah ! la guerre, l’exécrable guerre ! dit à demi-voix Henriette, en face de cette cité de ruines, de souffrance et d’agonie.
N’était-ce pas, en effet, l’acte dernier et fatal, la folie du sang qui avait germé sur les champs de défaite de Sedan et de Metz, l’épidémie de destruction née du siège de Paris, la crise suprême d’une nation en danger de mort, au milieu des tueries et des écroulements ?
Mais Maurice, sans quitter des yeux les quartiers qui brûlaient, là-bas, bégaya lentement, avec peine :
— Non, non, ne maudis pas la guerre… Elle est bonne, elle fait son œuvre…
Jean l’interrompit d’un cri de haine et de remords.
— Sacré bon Dieu ! quand je te vois là, et quand c’est par ma faute… Ne la défends plus, c’est une sale chose que la guerre !
Le blessé eut un geste vague.
— Oh ! moi, qu’est-ce que ça fait ? il y en a bien d’autres !… C’est peut-être nécessaire, cette saignée. La guerre, c’est la vie qui ne peut pas être sans la mort.
Et les yeux de Maurice se fermèrent, dans la fatigue de l’effort que lui avaient coûté ces quelques mots. D’un signe, Henriette avait prié Jean de ne pas discuter. Toute une protestation la soulevait elle-même, sa colère contre la souffrance humaine, malgré son calme de femme frêle et si brave, avec ses regards limpides où revivait l’âme