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Page:Zola - La Débâcle.djvu/71

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bon ? puisqu’on n’a encore su que nous faire patauger dans la boue !

Il y eut un silence. Puis, Maurice causa un instant de Remilly, de l’oncle Fouchard, et Prosper regretta de ne pouvoir aller serrer la main d’Honoré, le maréchal des logis, dont la batterie devait camper à plus d’une lieue de là, de l’autre côté du chemin de Laon. Mais un ébrouement de cheval lui fit dresser l’oreille, il se leva, disparut pour s’assurer que Zéphir ne manquait de rien. Peu à peu, des soldats de toute arme et de tous grades envahissaient la guinguette, à cette heure de la demi-tasse et du pousse-café. Pas une des tables ne restait libre, c’était une gaieté éclatante d’uniformes dans la verdure des pampres éclaboussés de soleil. Le major Bouroche venait de s’asseoir près de Rochas, lorsque Jean se présenta, porteur d’un ordre.

— Mon lieutenant, c’est le capitaine qui vous attendra à trois heures, pour un règlement de service.

D’un signe de tête, Rochas dit qu’il serait exact ; et Jean ne partit pas tout de suite, sourit à Maurice, qui allumait une cigarette. Depuis la scène du wagon, il y avait entre les deux hommes une trêve tacite, comme une étude réciproque, de plus en plus bienveillante.

Prosper était revenu, pris d’impatience.

— Je vas manger, moi, si mon chef ne sort pas de cette baraque… C’est fichu, l’empereur est capable de ne pas rentrer avant ce soir.

— Dites donc, demanda Maurice, dont la curiosité se réveillait, c’est peut-être bien des nouvelles de Bazaine que vous apportez ?

— Possible ! on en causait là-bas, à Monthois.

Mais il y eut un brusque mouvement. Et Jean, qui était resté à une des portes de la tonnelle, se retourna, en disant :

— L’empereur !