marée d’hommes qui les jetait hors de chez eux et emportait la maison.
— Eh ! mon brave, fichez-moi la paix ! répondit le général contrarié. Il faudrait en fusiller une douzaine par jour, de ces coquins ! Est-ce qu’on peut ?
Et il fit fermer la porte, pour ne pas être obligé de sévir, pendant que le colonel expliquait qu’il n’y avait pas eu de distributions et que les hommes avaient faim.
Dehors, Loubet venait d’apercevoir un champ de pommes de terre, et il s’y était rué avec Lapoulle, fouillant des deux mains, arrachant, s’emplissant les poches. Mais Chouteau, en train de regarder par-dessus un petit mur, eut un sifflement d’appel, qui les fit accourir et s’exclamer : c’était un troupeau d’oies, une dizaine d’oies magnifiques, se promenant majestueusement dans une étroite cour. Tout de suite, il y eut conseil, et l’on poussa Lapoulle, on le décida à enjamber la muraille. Le combat fut terrible, l’oie qu’il avait prise faillit lui couper le nez dans la dure cisaille de son bec. Alors, il lui empoigna le cou, voulut l’étrangler, tandis qu’elle lui labourait les bras et le ventre de ses fortes pattes. Il dut lui écraser la tête du poing, et elle se débattait encore, et il se hâta de filer, poursuivi par le reste du troupeau, qui lui déchirait les jambes.
Lorsque tous les trois revinrent, cachant la bête dans un sac, avec les pommes de terre, ils trouvèrent Jean et Pache, qui rentraient, heureux également de leur expédition, chargés de quatre pains frais et d’un fromage, achetés chez une vieille brave femme.
— L’eau bout, nous allons faire du café, dit le caporal. Nous avons du fromage et du pain, c’est une vraie noce !
Mais, brusquement, il aperçut l’oie, étalée à ses pieds, et il ne put s’empêcher de rire. Il la tâta, en connaisseur, saisi d’admiration.