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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

ma chair, j’ai dormi sous votre garde, j’ai vécu chaste ; et je pleure, en voyant aujourd’hui que je ne suis pas encore assez mort à ce monde pour être votre fiancé. Ô Marie, Vierge adorable, que n’ai-je cinq ans, que ne suis-je resté l’enfant qui collait ses lèvres sur vos images ! Je vous prendrais sur mon cœur, je vous coucherais à mon côté, je vous embrasserais comme une amie, comme une fille de mon âge. J’aurais votre robe étroite, votre voile enfantin, votre écharpe bleue, toute cette enfance qui fait de vous une grande sœur. Je ne chercherais pas à baiser vos cheveux, car la chevelure est une nudité qu’on ne doit point voir ; mais je baiserais vos pieds nus, l’un après l’autre, pendant des nuits entières, jusqu’à ce que j’aie effeuillé sous mes lèvres les roses d’or, les roses mystiques de nos veines.

Il s’arrêta, attendant que la Vierge abaissât ses yeux bleus, l’effleurât au front du bord de son voile. La Vierge restait enveloppée dans la mousseline jusqu’au cou, jusqu’aux ongles, jusqu’aux chevilles, tout entière au ciel, avec cet élancement du corps qui la rendait fluette, dégagée déjà de la terre.

— Eh bien, continua-t-il plus follement, faites que je redevienne enfant, Vierge bonne, Vierge puissante. Faites que j’aie cinq ans. Prenez mes sens, prenez ma virilité. Qu’un miracle emporte tout l’homme qui a grandi en moi. Vous régnez au ciel, rien ne vous est plus facile que de me foudroyer, que de sécher mes organes, de me laisser sans sexe, incapable du mal, si dépouillé de toute force, que je ne puisse même plus lever le petit doigt sans votre consentement. Je veux être candide, de cette candeur qui est la vôtre, que pas un frisson humain ne saurait troubler. Je ne veux plus sentir ni mes nerfs, ni mes muscles, ni le battement de mon cœur, ni le travail de mes désirs. Je veux être une chose, une pierre blanche à vos pieds, à laquelle vous ne laisserez qu’un parfum, une pierre qui ne bougera pas de