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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

j’arrive d’un long voyage. Je ne sais plus même d’où je suis parti. J’avais la fièvre, une fièvre qui galopait dans mes veines comme une bête… C’est cela, je me souviens. Toujours le même cauchemar me faisait ramper, le long d’un souterrain interminable. À certaines grosses douleurs, le souterrain, brusquement, se murait ; un amas de cailloux tombait de la voûte, les parois se resserraient, je restais haletant, pris de la rage de vouloir passer outre ; et j’entrais dans l’obstacle, je travaillais des pieds, des poings, du crâne, en désespérant de pouvoir jamais traverser cet éboulement de plus en plus considérable… Puis, souvent, il me suffisait de le toucher du doigt ; tout s’évanouissait, je marchais librement, dans la galerie élargie, n’ayant plus que la lassitude de la crise.

Albine voulut lui poser la main sur la bouche.

— Non, cela ne me fatigue pas de parler. Tu vois, je te parle à l’oreille. Il me semble que je pense, et que tu m’entends… Le plus drôle, dans mon souterrain, c’est que je n’avais pas la moindre idée de retourner en arrière ; je m’entêtais, tout en pensant qu’il me faudrait des milliers d’années pour déblayer un seul des éboulements. C’était une tâche fatale, que je devais accomplir sous peine des plus grands malheurs. Les genoux meurtris, le front heurtant le roc, je mettais une conscience pleine d’angoisse à travailler de toutes mes forces, pour arriver le plus vite possible. Arriver où ?… je ne sais pas, je ne sais pas…

Il ferma les yeux, rêvant, cherchant. Puis, il eut une moue d’insouciance, il s’abandonna de nouveau sur la main d’Albine, en disant avec un rire :

— Tiens ! c’est bête, je suis un enfant.

Mais la jeune fille, pour voir s’il était bien à elle, tout entier, l’interrogea, le ramena aux souvenirs confus qu’il tentait d’évoquer. Il ne se rappelait rien, il était réellement dans une heureuse enfance. Il croyait être né la veille.