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LES ROUGON-MACQUART.

essaya de rattacher son chignon ; puis, elle craignit de découvrir sa nuque. Maintenant, le frôlement d’une branche, le heurt léger d’une aile d’insecte, la moindre haleine du vent, la faisaient tressaillir, comme sous l’attouchement déshonnête d’une main invisible.

— Tranquillise-toi, implorait Serge. Il n’y a personne… Te voilà rouge de fièvre. Reposons-nous un instant, je t’en supplie.

Elle n’avait point la fièvre, elle voulait rentrer tout de suite, pour que personne ne pût rire, en la regardant. Et, hâtant le pas de plus en plus, elle cueillait, le long des haies, des verdures dont elle cachait sa nudité. Elle noua sur ses cheveux un rameau de mûrier ; elle s’enroula aux bras des liserons, qu’elle attacha à ses poignets ; elle se mit au cou un collier, fait de brins de viorne, si longs, qu’ils couvraient sa poitrine d’un voile de feuilles.

— Tu vas au bal ? demanda Serge, qui cherchait à la faire rire.

Mais elle lui jeta les feuillages qu’elle continuait de cueillir. Elle lui dit à voix basse, d’un air d’alarme :

— Ne vois-tu pas que nous sommes nus ?

Et il eut honte à son tour, il ceignit les feuillages sur ses vêtements défaits.

Cependant, ils ne pouvaient sortir des buissons. Tout d’un coup, au bout d’un sentier, ils se trouvèrent en face d’un obstacle, d’une masse grise, haute, grave. C’était la muraille.

— Viens, viens ! cria Albine.

Elle voulait l’entraîner. Mais ils n’avaient pas fait vingt pas, qu’ils retrouvèrent la muraille. Alors, ils la suivirent en courant, pris de panique. Elle restait sombre, sans une fente sur le dehors. Puis, au bord d’un pré, elle parut subitement s’écrouler. Une brèche ouvrait sur la vallée voisine une fenêtre de lumière. Ce devait être le trou dont