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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

çaient de plus en plus, au milieu d’un labyrinthe de buissons.

— N’as-tu pas entendu ? dit peureusement Albine, qui s’arrêta essoufflée.

Et comme il écoutait, pris à son tour de l’anxiété qu’elle ne pouvait plus cacher :

— Les taillis sont pleins de voix, continua-t-elle. On dirait des gens qui se moquent… Tiens, n’est-ce pas un rire qui vient de cet arbre ? Et, là-bas, ces herbes n’ont-elles pas eu un murmure, quand je les ai effleurées de ma robe ?

— Non, non, dit-il, voulant la rassurer ; le jardin nous aime. S’il parlait, ce ne serait pas pour t’effrayer. Ne te rappelles-tu pas toutes les bonnes paroles chuchotées dans les feuilles ?… Tu es nerveuse, tu as des imaginations.

Mais elle hocha la tête, murmurant :

— Je sais bien que le jardin est notre ami… Alors, c’est que quelqu’un est entré. Je t’assure que j’entends quelqu’un. Je tremble trop ! Ah ! je t’en prie, emmène-moi, cache-moi.

Ils se remirent à marcher, surveillant les taillis, croyant voir des visages apparaître derrière chaque tronc. Albine jurait qu’un pas, au loin, les cherchait.

— Cachons-nous, cachons-nous, répétait-elle d’un ton suppliant.

Et elle devenait toute rose. C’était une pudeur naissante, une honte qui la prenait comme un mal, qui tachait la candeur de sa peau, où jusque-là pas un trouble du sang n’était monté. Serge eut peur, à la voir ainsi toute rose, les joues confuses, les yeux gros de larmes. Il voulait la reprendre, la calmer d’une caresse ; mais elle s’écarta, elle lui fit signe, d’un geste désespéré, qu’ils n’étaient plus seuls. Elle regardait, rougissant davantage, sa robe dénouée qui montrait sa nudité, ses bras, son cou, sa gorge. Sur ses épaules, les mèches folles de ses cheveux mettaient un frisson. Elle