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Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/279

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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

à Dieu, vous avez tué votre paix. Toujours la tentation vous mordra de sa dent de flamme, et désormais vous n’aurez plus votre ignorance pour la combattre… C’est cette gueuse qui vous a tenté, n’est-ce pas ? Ne voyez-vous pas la queue du serpent se tordre parmi les mèches de ses cheveux ? Elle a des épaules dont la vue seule donne un vomissement… Lâchez-la, ne la touchez plus, car elle est le commencement de l’enfer… Au nom de Dieu, sortez de ce jardin !

— M’aimes-tu ? m’aimes-tu ? répétait Albine.

Mais Serge s’était écarté d’elle, comme véritablement brûlé par ses bras nus, par ses épaules nues.

— Au nom de Dieu ! au nom de Dieu ! criait le Frère d’une voix tonnante.

Serge, invinciblement, marchait vers la brèche. Quand Frère Archangias, d’un geste brutal, l’eut tiré hors du Paradou, Albine, glissée à terre, les mains follement tendues vers son amour qui s’en allait, se releva, la gorge brisée de sanglots. Elle s’enfuit, elle disparut au milieu des arbres, dont elle battait les troncs de ses cheveux dénoués.