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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

— Ah bien ! dit à demi-voix la Rousse, une fille superbe, qui avait des cheveux et une peau de cuivre, on ne se battra pas à la sortie !

— Tiens ! le père Bambousse a raison, murmura Lisa, toute petite, toute noire, avec des yeux de flamme ; quand on a des vignes, on les soigne… Puisque monsieur le curé a absolument voulu marier Rosalie, il peut bien la marier tout seul.

L’autre, Babet, bossue, les os trop gros, ricanait.

— Il y a toujours la mère Brichet, dit-elle. Celle-là est dévote pour toute la famille… Hein ! entendez-vous comme elle ronfle ! Ça va lui gagner sa journée. Elle sait ce qu’elle fait, allez !

— Elle joue de l’orgue, reprit la Rousse.

Et elles partirent de rire toutes les trois. La Teuse, de loin, les menaça de son plumeau. À l’autel, l’abbé Mouret communiait. Quand il alla du côté de l’Épître se faire verser par Vincent, sur le pouce et sur l’index, le vin et l’eau de l’ablution, Lisa dit plus doucement :

— C’est bientôt fini. Il leur parlera tout à l’heure.

— Comme ça, fit remarquer la Rousse, le grand Fortuné pourra encore aller à son champ, et la Rosalie n’aura pas perdu sa journée de vendange. C’est commode de se marier matin… Il a l’air bête, le grand Fortuné.

— Pardi ! murmura Babet, ça l’ennuie, ce garçon, de se tenir si longtemps sur les genoux. Bien sûr que ça ne lui était pas arrivé depuis sa première communion.

Mais elles furent tout d’un coup distraites par le marmot que Catherine amusait. Il voulait la corde de la cloche, il tendait les mains, bleu de colère, s’étranglant à crier.

— Eh ! le petit est là, dit la Rousse.

L’enfant pleurait plus haut, se débattait comme un diable.