Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
284
LES ROUGON-MACQUART.

— Mets-le sur le ventre, fais-le téter, souffla Babet à Catherine.

Celle-ci, avec son effronterie de gueuse de dix ans, leva la tête et se prit à rire.

— Ça ne m’amuse pas, dit-elle, en secouant l’enfant. Veux-tu te taire, petit cochon !… Ma sœur me l’a lâché sur les genoux.

— Je crois bien, reprit méchamment Babet. Elle ne pouvait pas le donner à garder à monsieur le curé, peut-être !

Cette fois, la Rousse faillit tomber à la renverse, tant elle éclata. Elle se laissa aller contre le mur, les poings aux côtes, riant à se crever. Lisa s’était jetée contre elle, se soulageant mieux, en lui prenant aux épaules et aux reins des pincées de chair. Babet avait un rire de bossue, qui passait entre ses lèvres serrées avec un bruit de scie.

— Sans le petit, continua-t-elle, monsieur le curé perdait son eau bénite… Le père Bambousse était décidé à marier Rosalie au fils Laurent, du quartier des Figuières.

— Oui, dit la Rousse, entre deux rires, savez-vous ce qu’il faisait, le père Bambousse ? Il jetait des mottes de terre dans le dos de Rosalie, pour empêcher le petit de venir.

— Il est joliment gros, tout de même, murmura Lisa. Les mottes lui ont profité.

Du coup, elles se mordaient toutes trois, dans un accès d’hilarité folle, lorsque la Teuse s’avança en boitant furieusement. Elle était allée prendre son balai derrière l’autel. Les trois grandes filles eurent peur, reculèrent, se tinrent sages.

— Coquines ! bégaya la Teuse. Vous venez encore dire vos saletés, ici !… Tu n’as pas honte, toi, la Rousse ! Ta place serait là-bas, à genoux devant l’autel, comme la Rosalie… Je vous jette dehors, entendez-vous ! si vous bougez.