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LES ROUGON-MACQUART.

de nouveau, murmurant, au-dessus de la nuque inclinée des époux, la prière finale :

Deus Abraham, Deus Isaac, et Deus Jacob vobiscum sit…

Sa voix se perdait dans une douceur monotone.

— Voilà, il va leur parler, souffla Babet à ses deux amies.

— Il est tout pâle, fit remarquer Lisa. Ce n’est pas comme monsieur Caffin dont la grosse figure semblait toujours rire… Ma petite sœur Rose m’a conté qu’elle n’ose rien lui dire, à confesse.

— N’importe, murmura la Rousse, il n’est pas vilain homme. La maladie l’a un peu vieilli ; mais ça lui va bien. Il a des yeux plus grands, avec deux plis aux coins de la bouche qui lui donnent l’air d’un homme… Avant sa fièvre, il était trop fille.

— Moi, je crois qu’il a un chagrin, reprit Babet. On dirait qu’il se mine. Son visage semble mort, mais ses yeux luisent, allez ! Vous ne le voyez pas, lorsqu’il baisse lentement les paupières, comme pour éteindre ses yeux.

La Teuse agita son balai.

— Chut ! siffla-t-elle, si énergiquement, qu’un coup de vent parut s’être engouffré dans l’église.

L’abbé Mouret s’était recueilli. Il commença à voix presque basse :

— Mon cher frère, ma chère sœur, vous êtes unis en Jésus. L’institution du mariage est la figure de l’union sacrée de Jésus et de son Église. C’est un lien que rien ne peut rompre, que Dieu veut éternel, pour que l’homme ne sépare pas ce que le ciel a joint. En vous faisant l’os de vos os, Dieu vous a enseigné que vous avez le devoir de marcher côte à côte, comme un couple fidèle, selon les voies préparées par sa toute-puissance. Et vous devez vous aimer dans l’amour même de Dieu. La moindre amertume entre