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Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/287

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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

vous serait une désobéissance au Créateur qui vous a tirés d’un seul corps. Restez donc à jamais unis, à l’image de l’Église que Jésus a épousée, en nous donnant à tous sa chair et son sang.

Le grand Fortuné et la Rosalie, le nez curieusement levé, écoutaient.

— Que dit-il ? demanda Lisa qui entendait mal.

— Pardi ! il dit ce qu’on dit toujours, répondit la Rousse. Il a la langue bien pendue, comme tous les curés.

Cependant, l’abbé Mouret continuait à réciter, les yeux vagues, regardant, par-dessus la tête des époux, un coin perdu de l’église. Et peu à peu sa voix mollissait, il mettait un attendrissement dans ces paroles, qu’il avait autrefois apprises, à l’aide d’un manuel destiné aux jeunes desservants. Il s’était légèrement tourné vers la Rosalie ; il disait, ajoutant des phrases émues, lorsque la mémoire lui manquait :

— Ma chère sœur, soyez soumise à votre mari, comme l’Église est soumise à Jésus. Rappelez-vous que vous devez tout quitter pour le suivre, en servante fidèle. Vous abandonnerez votre père et votre mère, vous vous attacherez à votre époux, vous lui obéirez, afin d’obéir à Dieu lui-même. Et votre joug sera un joug d’amour et de paix. Soyez son repos, sa félicité, le parfum de ses bonnes œuvres, le salut de ses heures de défaillance. Qu’il vous trouve sans cesse à son côté, ainsi qu’une grâce. Qu’il n’ait qu’à étendre la main pour rencontrer la vôtre. C’est ainsi que vous marcherez tous les deux, sans jamais vous égarer, et que vous rencontrerez le bonheur dans l’accomplissement des lois divines. Oh ! ma chère sœur, ma chère fille, votre humilité est toute pleine de fruits suaves ; elle fera pousser chez vous les vertus domestiques, les joies du foyer, les prospérités des familles pieuses. Ayez pour votre mari les tendresses de Rachel, ayez la sagesse de Rébecca, la longue