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LES ROUGON-MACQUART.

Le cimetière, en effet, n’avait rien d’effrayant. C’était un terrain nu, où d’étroites allées se perdaient sous l’envahissement des herbes. Des renflements bossuaient la terre, de place en place. Une seule pierre, debout, toute neuve, la pierre de l’abbé Caffin, mettait sa découpure blanche, au milieu. Rien autre que des bras de croix arrachés, des buis séchés, de vieilles dalles enterrées, mangées de mousse. On n’enterrait pas deux fois l’an. La mort ne semblait point habiter ce sol vague, où la Teuse venait, chaque soir, emplir son tablier d’herbe pour les lapins de Désirée. Un cyprès gigantesque, planté à la porte, promenait seul son ombre sur le champ désert. Ce cyprès, qu’on voyait de trois lieues à la ronde, était connu de toute la contrée sous le nom du Solitaire.

— C’est plein de lézards, ajouta Vincent, qui regardait le mur crevassé de l’église. On s’amuserait joliment…

Mais il sortit d’un bond, en voyant le Frère allonger le pied. Celui-ci fit remarquer au curé le mauvais état de la grille. Elle était toute rongée de rouille, un gond descellé, la serrure brisée.

— On devrait réparer cela, dit-il.

L’abbé Mouret sourit, sans répondre. Et, s’adressant à Vincent, qui se battait avec Voriau :

— Dis, petit ? demanda-t-il, sais-tu où travaille le père Bambousse, ce matin ?

L’enfant jeta un coup d’œil sur l’horizon.

— Il doit être à son champ des Olivettes, répondit-il, la main tendue vers la gauche… D’ailleurs, Voriau va vous conduire, monsieur le curé. Il sait sûrement où est son maître, lui.

Alors, il tapa dans ses mains, criant :

— Eh ! Voriau ! eh !

Le grand chien noir hésita un instant, la queue battante, cherchant à lire dans les yeux du gamin. Puis, aboyant de