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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

— Ah ! c’est vous, monsieur le curé, gronda-t-il. Imaginez-vous que ce gredin est toujours fourré dans le cimetière. Je ne sais pas quel mauvais coup il peut faire ici… Je devrais le lâcher pour qu’il allât se casser la tête, là-bas au fond. Ce serait bien fait.

L’enfant ne soufflait mot, cramponné aux broussailles, ses yeux sournoisement fermés.

— Prenez garde, Frère Archangias, reprit le prêtre ; il pourrait glisser.

Et il aida lui-même Vincent à remonter.

— Voyons, mon petit ami, que faisais-tu là ? On ne doit pas jouer dans les cimetières.

Le galopin avait ouvert les yeux, s’écartant peureusement du Frère, se mettant sous la protection de l’abbé Mouret.

— Je vais vous dire, murmura-t-il en levant sa tête futée vers celui-ci. Il y a un nid de fauvettes dans les ronces, dessous cette roche. Voici plus de dix jours que je le guette… Alors, comme les petits sont éclos, je suis venu, ce matin, après avoir servi votre messe…

— Un nid de fauvettes ! dit Frère Archangias. Attends, attends !

Il s’écarta, chercha sur une tombe une motte de terre, qu’il revint jeter dans les ronces. Mais il manqua le nid. Une seconde motte lancée plus adroitement bouscula le frêle berceau, jeta les petits au torrent.

— De cette façon, continua-t-il en se tapant les mains pour les essuyer, tu ne viendras peut-être plus rôder ici comme un païen… Les morts iront te tirer les pieds, la nuit, si tu marches encore sur eux.

Vincent, qui avait ri de voir le nid faire le plongeon, regarda autour de lui, avec le haussement d’épaules d’un esprit fort.

— Oh ! je n’ai pas peur, dit-il. Les morts, ça ne bouge plus.