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LES ROUGON-MACQUART.

on les trouverait sûrement morts, un de ces matins, écrasés par les plafonds.

— Moi, d’abord, grondait-elle, je finirai par venir faire mon lit ici, derrière l’autel. J’ai trop peur, la nuit.

Le plâtre manquant, elle ne parla plus du presbytère. Puis, la vue des peintures qu’exécutait monsieur le curé, la ravissait. Ce fut le grand charme de toute cette besogne. L’abbé, qui avait remis des bouts de planche partout, se plaisait à étaler sur les boiseries une belle couleur jaune, avec un gros pinceau. Il y avait, dans le pinceau, un va-et-vient très-doux, dont le bercement l’endormait un peu, le laissait sans pensée pendant des heures, à suivre les traînées grasses de la peinture. Lorsque tout fut jaune, le confessionnal, la chaire, l’estrade, jusqu’à la caisse de l’horloge, il se risqua à faire des raccords de faux marbre pour rafraîchir le maître-autel. Et, s’enhardissant, il le repeignit tout entier. Le maître-autel, blanc, jaune et bleu, était superbe. Des gens qui n’avaient pas assisté à une messe depuis cinquante ans vinrent en procession pour le voir.

Les peintures, maintenant, étaient sèches. L’abbé Mouret n’avait plus qu’à encadrer les panneaux d’un filet brun. Aussi, dès l’après-midi, se mit-il à l’œuvre, voulant que tout fût terminé le soir même, le lendemain étant un jour de grand’messe, ainsi qu’il l’avait rappelé à la Teuse. Celle-ci attendait pour faire la toilette de l’autel ; elle avait déjà posé sur la crédence les chandeliers et la croix d’argent, les vases de porcelaine plantés de roses artificielles, la nappe garnie de dentelle des grandes fêtes. Mais les filets furent si délicats à faire proprement, qu’il s’attarda jusqu’à la nuit. Le jour tombait, au moment où il achevait le dernier panneau.

— Ce sera trop beau, dit une voix rude, sortie de la poussière grise du crépuscule, dont l’église s’emplissait.