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LES ROUGON-MACQUART.

avait une grosse peur de perdre, monsieur le curé devait sortir, ce soir. Il a promis au grand Fortuné et à la Rosalie d’aller bénir leur chambre, comme il est d’usage… Vite, monsieur le curé ! Le Frère vous accompagnera.

L’abbé Mouret était déjà debout, cherchant son chapeau. Mais Frère Archangias, sans lâcher ses cartes, se fâchait.

— Laissez donc ! Est-ce que ça a besoin d’être béni, ce trou à cochons ! Pour ce qu’ils vont y faire de propre, dans leur chambre !… Encore un usage que vous devriez abolir. Un prêtre n’a pas à mettre son nez dans les draps des nouveaux mariés… Restez. Finissons la partie. Ça vaudra mieux.

— Non, dit le prêtre, j’ai promis. Ces braves gens pourraient se blesser… Restez, vous. Finissez la partie, en m’attendant.

La Teuse, très-inquiète, regardait Frère Archangias.

— Eh bien ! oui, je reste, cria celui-ci. C’est trop bête !

Mais l’abbé Mouret n’avait pas ouvert la porte, qu’il se levait pour le suivre, jetant violemment ses cartes. Il revint, il dit à la Teuse :

— J’allais gagner… Laissez les paquets tels qu’ils sont. Nous continuerons la partie demain.

— Ah bien, tout est brouillé, maintenant, répondit la vieille servante qui s’était empressée de mêler les cartes. Si vous croyez que je vais le mettre sous verre, votre paquet ! Et puis je pouvais gagner, j’avais encore un as.

Frère Archangias, en quelques enjambées, rejoignit l’abbé Mouret qui descendait l’étroit sentier conduisant aux Artaud. Il s’était donné la tâche de veiller sur lui. Il l’entourait d’un espionnage de toutes les heures, l’accompagnant partout, le faisant suivre par un gamin de son école, lorsqu’il ne pouvait s’acquitter lui-même de ce soin. Il disait, avec son rire terrible, qu’il était « le gendarme de Dieu. » Et,