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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

chien, tu le mettais en rut… Et c’est ainsi que tu l’avais changé en bête, Satan !

— Il est stupide, dit Jeanbernat, en reposant son bâton sur l’épaule. Il m’ennuie.

Le Frère, enhardi, vint lui allonger ses deux poings sous le nez.

— Et ta gueuse ! cria-t-il. C’est toi qui l’a fourrée toute nue dans le lit du prêtre !

Mais il poussa un hurlement, en faisant un bond en arrière. Le bâton du vieux, lancé à toute volée, venait de se casser sur son échine. Il recula encore, ramassa dans un tas de cailloux, au bord de la route, un silex gros comme les deux poings, qu’il lança à la tête de Jeanbernat. Celui-ci avait le front fendu, s’il ne s’était courbé. Il courut au tas de cailloux voisin, s’abrita, prit des pierres. Et, d’un tas à l’autre, un terrible combat s’engagea. Les silex grêlaient. La lune, très-claire, découpait nettement les ombres.

— Oui, tu l’as fourrée dans son lit, répétait le Frère affolé ! Et tu avais mis un Christ sous le matelas, pour que l’ordure tombât sur lui… Ha ! ha ! tu es étonné que je sache tout. Tu attends quelque monstre de cet accouplement-là. Tu fais chaque matin les treize signes de l’enfer sur le ventre de ta gueuse, pour qu’elle accouche de l’Antechrist. Tu veux l’Antechrist, bandit !… Tiens, que ce caillou t’éborgne !

— Et que celui-ci te ferme le bec, calotin ! reprit Jeanbernat, redevenu très-calme. Est-il bête, cet animal, avec ses histoires !… Va-t-il falloir que je te casse la tête pour continuer ma route ? Est-ce ton catéchisme qui t’a tourné sur la cervelle ?

— Le catéchisme ! Veux-tu connaître le catéchisme qu’on enseigne aux damnés de ton espèce ? Oui, je t’apprendrai à faire le signe de croix… Ceci est pour le Père, et ceci