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LES ROUGON-MACQUART.

— Dieu ! Dieu ! murmura le docteur sourdement, il ferait mieux de ne pas se jeter dans nos jambes. On arrangerait l’affaire.

Puis, haussant la voix, il reprit :

— J’avais tout calculé. C’est là le plus fort ! Oh ! l’imbécile !… Tu restais un mois en convalescence. L’ombre des arbres, le souffle frais de l’enfant, toute cette jeunesse te remettait sur pied. D’un autre côté, l’enfant perdait sa sauvagerie, tu l’humanisais, nous en faisions à nous deux une demoiselle que nous aurions mariée quelque part. C’était parfait… Aussi pouvais-je m’imaginer que ce vieux philosophe de Jeanbernat ne quitterait pas ses salades d’un pouce ! Il est vrai que moi non plus je n’ai pas bougé de mon laboratoire. J’avais des études en train… Et c’est ma faute ! Je suis un malhonnête homme !

Il étouffait, il voulait sortir. Il chercha partout son chapeau qu’il avait sur la tête.

— Adieu, balbutia-t-il, je m’en vais… Alors, tu refuses de venir ? Voyons, fais-le pour moi ; tu vois combien je souffre. Je te jure qu’elle partira ensuite. C’est convenu… J’ai mon cabriolet. Dans une heure, tu seras de retour… Viens, je t’en prie.

Le prêtre eut un geste large, un de ces gestes que le docteur lui avait vu faire à l’autel.

— Non, dit-il, je ne puis.

En accompagnant son oncle, il ajouta :

— Dites-lui qu’elle s’agenouille et qu’elle implore Dieu… Dieu l’entendra comme il m’a entendu ; il la soulagera comme il m’a soulagé. Il n’y a pas d’autre salut.

Le docteur le regarda en face, haussa terriblement les épaules.

— Adieu, répéta-t-il. Tu te portes bien. Tu n’as plus besoin de moi.

Mais, comme il détachait son cheval, Désirée, qui venait