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LES ROUGON-MACQUART.

saletés qui empoisonnent ! Ça serait un fameux débarras, si l’on étranglait toutes les filles à leur naissance.

Le dégoût, la haine de la femme le firent jurer comme un charretier. L’abbé Mouret, après l’avoir écouté, la face calme, finit par sourire de sa violence. Il appela Voriau, qui s’était écarté dans un champ voisin.

— Et, tenez ! cria Frère Archangias, en montrant un groupe d’enfants jouant au fond d’une ravine, voilà mes garnements qui manquent l’école, sous prétexte d’aller aider leurs parents dans les vignes !… Soyez sûr que cette gueuse de Catherine est au milieu. Elle s’amuse à glisser. Vous allez voir ses jupes par-dessus sa tête. Là, qu’est-ce que je vous disais !… À ce soir, monsieur le curé… Attendez, attendez, gredins !

Et il partit en courant, son rabat sale volant sur l’épaule, sa grande soutane graisseuse arrachant les chardons. L’abbé Mouret le regarda tomber au milieu de la bande des enfants, qui se sauvèrent comme un vol de moineaux effarouchés. Mais il avait réussi à saisir par les oreilles Catherine et un autre gamin. Il les ramena du côté du village, les tenant ferme de ses gros doigts velus, les accablant d’injures.

Le prêtre reprit sa marche. Frère Archangias lui causait parfois d’étranges scrupules ; il lui apparaissait dans sa vulgarité, dans sa crudité, comme le véritable homme de Dieu, sans attache terrestre, tout à la volonté du ciel, humble, rude, l’ordure à la bouche contre le péché. Et il se désespérait de ne pouvoir se dépouiller davantage de son corps, de ne pas être laid, immonde, puant la vermine des saints. Lorsque le Frère l’avait révolté par des paroles trop osées, par quelque expression trop brutale, il s’accusait ensuite de ses délicatesses, de ses fiertés de nature, comme de véritables fautes. Ne devait-il pas être mort à toutes les faiblesses de ce monde ? Cette fois encore, il sourit tristement, en son-