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LES ROUGON-MACQUART.

reilles à des membres protecteurs. L’arbre restait bon, robuste, puissant, fécond. Comme au jour de leurs noces, une langueur d’alcôve, une lueur de nuit d’été mourant sur l’épaule nue d’une amoureuse, un balbutiement d’amour à peine distinct, tombant brusquement à un grand spasme muet, traînaient dans la clairière, baignée d’une limpidité verdâtre. Et, au loin, le Paradou, malgré le premier frisson de l’automne, retrouvait, lui aussi, ses chuchotements ardents. Il redevenait complice. Du parterre, du verger, des prairies, de la forêt, des grandes roches, du vaste ciel, arrivait de nouveau un rire de volupté, un vent qui semait sur son passage une poussière de fécondation. Jamais le jardin, aux plus tièdes soirées de printemps, n’avait des tendresses si profondes qu’aux derniers beaux jours, lorsque les plantes s’endormaient en se disant adieu. L’odeur des germes mûrs charriait une ivresse de désir, à travers les feuilles plus rares.

— Entends-tu, entends-tu ? balbutiait Albine à l’oreille de Serge, qu’elle avait laissé tomber sur l’herbe, au pied de l’arbre.

Serge pleurait.

— Tu vois bien que le Paradou n’est pas mort. Il nous crie de nous aimer. Il veut toujours notre mariage… Oh ! souviens-toi ! Prends-moi à ton cou. Soyons l’un à l’autre.

Serge pleurait.

Elle ne dit plus rien. Elle le prit elle-même, d’une étreinte farouche. Ses lèvres se collèrent sur ce cadavre pour le ressusciter. Et Serge n’eut encore que des larmes.

Au bout d’un grand silence, Albine parla. Elle était debout, méprisante, résolue.

— Va-t’en ! dit-elle à voix basse.

Serge se leva d’un effort. Il ramassa son bréviaire qui avait roulé dans l’herbe. Il s’en alla.