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Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/42

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LES ROUGON-MACQUART.

teille plate, garnie de sparterie, qui chauffait sur la terre ardente. Et, retrouvant son gros rire :

— Si j’avais un verre, monsieur le curé, je vous en offrirais de bon cœur.

— Alors, demanda de nouveau le prêtre, ce mariage ?…

— Non, ça ne peut pas se faire, on rirait de moi… Rosalie est gaillarde. Elle vaut un homme, voyez-vous. Je serai obligé de louer un garçon, le jour où elle s’en ira… On reparlera de la chose, après la vendange. Et puis, je ne veux pas être volé. Donnant, donnant, n’est-ce pas ?

Le prêtre resta encore là une grande demi-heure à prêcher Bambousse, à lui parler de Dieu, à lui donner toutes les raisons que la situation comportait. Le vieux s’était remis à la besogne ; il haussait les épaules, plaisantait, s’entêtant davantage. Il finit par crier :

— Enfin, si vous me demandiez un sac de blé, vous me donneriez de l’argent… Pourquoi voulez-vous que je laisse aller ma fille contre rien !

L’abbé Mouret, découragé, s’en alla. Comme il descendait le sentier, il aperçut Rosalie se roulant sous un olivier avec Voriau, qui lui léchait la figure, ce qui la faisait rire. Elle disait au chien, les jupes volantes, les bras battant la terre :

— Tu me chatouilles, grande bête. Finis donc !

Puis, quand elle vit le prêtre, elle fit mine de rougir, elle ramena ses vêtements, les poings de nouveau dans les yeux. Lui, chercha à la consoler, en lui promettant de tenter de nouveaux efforts auprès de son père. Et il ajouta qu’en attendant, elle devait obéir, cesser tout rapport avec Fortuné, ne pas aggraver son péché davantage.

— Oh ! maintenant, murmura-t-elle en souriant de son air effronté, il n’y a plus de risque, puisque ça y est.