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Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/41

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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

rend ni bancale, ni bossue, et elle se mariera avec qui elle voudra dans le pays.

— Mais son enfant ? interrompit le prêtre.

— L’enfant ? il n’est pas là, n’est-ce pas ? Il n’y sera peut-être jamais… Si elle fait le petit, nous verrons.

Rosalie, voyant comment tournait la démarche du curé, crut devoir s’enfoncer les poings dans les yeux en geignant. Elle se laissa même tomber par terre, montrant ses bas bleus qui lui montaient au-dessus des genoux.

— Tu vas te taire, chienne ! cria le père devenu furieux.

Et il la traita ignoblement, avec des mots crus, qui la faisaient rire en-dessous, sous ses poings fermés.

— Si je te trouve avec ton mâle, je vous attache ensemble, je vous amène comme ça devant le monde… Tu ne veux pas te taire ? Attends, coquine !

Il ramassa une motte de terre, qu’il lui jeta violemment, à quatre pas. La motte s’écrasa sur son chignon, glissant dans son cou, la couvrant de poussière. Étourdie, elle se leva d’un bond, se sauva, la tête entre les mains pour se garantir. Mais Bambousse eut le temps de l’atteindre encore avec deux autres mottes : l’une ne fit que lui effleurer l’épaule gauche ; l’autre lui arriva en pleine échine, si rudement, qu’elle tomba sur les genoux.

— Bambousse ! s’écria le prêtre, en lui arrachant une poignée de cailloux, qu’il venait de prendre.

— Laissez donc ! monsieur le curé, dit le paysan. C’était de la terre molle. J’aurais dû lui jeter ces cailloux… On voit bien que vous ne connaissez pas les filles. Elles sont joliment dures. Je tremperais celle-là au fond de notre puits, je lui casserais les os à coups de trique, qu’elle n’en irait pas moins à ses saletés ! Mais je la guette, et si je la surprends !… Enfin, elles sont toutes comme cela.

Il se consolait. Il but un coup de vin, à une grande bou-