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LES ROUGON-MACQUART.

pour se taire ; mais la langue lui démangeait tellement, qu’elle reprit bientôt :

— Frère Archangias est venu… Il n’aura pas un enfant, à l’école, aujourd’hui. Il est parti comme un coup de vent, pour aller tirer les oreilles à cette marmaille, dans les vignes… Vous ferez bien de le voir. Je crois qu’il a quelque chose à vous dire.

L’abbé Mouret lui imposa silence de la main. Il n’avait plus ouvert les lèvres. Il récitait les prières consacrées, en prenant le manipule, qu’il baisa, avant de le mettre à son bras gauche, au-dessous du coude, comme un signe indiquant le travail des bonnes œuvres, et en croisant sur sa poitrine, après l’avoir également baisée, l’étole, symbole de sa dignité et de sa puissance. La Teuse dut aider Vincent à fixer la chasuble, qu’elle attacha à l’aide de minces cordons, de façon à ce qu’elle ne retombât pas en arrière.

— Sainte Vierge ! j’ai oublié les burettes ! balbutia-t-elle, se précipitant vers l’armoire. Allons, vite, galopin !

Vincent emplit les burettes, des fioles de verre grossier, tandis qu’elle se hâtait de prendre un manuterge propre, dans un tiroir. L’abbé Mouret, tenant le calice de la main gauche par le nœud, les doigts de la main droite posés sur la bourse, salua profondément, sans ôter sa barrette, un Christ de bois noir pendu au-dessus du buffet. L’enfant s’inclina également ; puis, passant le premier, tenant les burettes, recouvertes du manuterge, il quitta la sacristie, suivi du prêtre qui marchait les yeux baissés, dans une dévotion profonde.