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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

poules qui sont méchantes… Tu te rappelles la grosse mouchetée, celle qui faisait des œufs jaunes ? Avant-hier, elle s’était écorché la patte. Quand les autres ont vu le sang, elles sont devenues comme folles. Toutes la suivaient, la piquaient, lui buvaient le sang, si bien que le soir elles lui avaient mangé la patte… Je l’ai trouvée la tête derrière une pierre, comme une imbécile, ne disant rien, se laissant dévorer.

La voracité des poules la laissait riante. Elle raconta d’autres cruautés, paisiblement : de jeunes poulets le derrière déchiqueté, les entrailles vidées, dont elle n’avait retrouvé que le cou et les ailes ; une portée de petits chats mangée dans l’écurie, en quelques heures.

— Tu leur donnerais un chrétien, continua-t-elle, qu’elles en viendraient à bout… Et dures au mal ! Elles vivent très-bien avec un membre cassé. Elles ont beau avoir des plaies, des trous dans le corps à y fourrer le poing, elles n’en avalent pas moins leur soupe. C’est pour cela que je les aime ; leur chair repousse en deux jours, leur corps est toujours chaud comme si elles avaient une provision de soleil sous les plumes… Quand je veux les régaler, je leur coupe de la viande crue. Et les vers donc ! Tu vas voir si elles les aiment.

Elle courut au tas de fumier, trouva un ver qu’elle prit sans dégoût. Les poules se jetaient sur ses mains. Mais elle, tenant le ver très-haut, s’amusait de leur gloutonnerie. Enfin, elle ouvrit les doigts. Les poules se poussèrent, s’abattirent ; puis, une d’elles se sauva, poursuivie par les autres, le ver au bec. Il fut ainsi pris, perdu, repris, jusqu’à ce qu’une poule, donnant un grand coup de gosier, l’avala. Alors, toutes s’arrêtèrent net, le cou renversé, l’œil rond, attendant un autre ver. Désirée, heureuse, les appelait par leurs noms, leur disait des mots d’amitié ; tandis que l’abbé Mouret, reculait de quelques pas, en face de cette intensité de vie vorace.