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LES ROUGON-MACQUART.

par terre pour rire à leur aise. Elles revinrent, regardant le curé en dessous, l’air heureux d’être grondées, avec leurs mains ballantes qui leur tapaient sur les cuisses.

Mais ce qui fâcha surtout la Teuse, ce fut d’apercevoir brusquement la Rosalie montant à l’autel comme les autres, avec son fagot.

— Veux-tu bien descendre ! lui cria-t-elle. Ce n’est pas l’aplomb qui te manque, ma fille !… Voyons, plus vite, emporte-moi ton paquet.

— Tiens, pourquoi donc ? dit hardiment Rosalie. On ne m’accusera peut-être pas de l’avoir volé.

Les grandes filles se rapprochaient, faisant les bêtes, échangeant des coups d’œil luisants.

— Va-t’en, répétait la Teuse ; ta place n’est pas ici, entends-tu !

Puis, perdant son peu de patience, brutalement, elle lâcha un mot très-gros, qui fit courir un rire d’aise parmi les paysannes.

— Après ? dit Rosalie. Est-ce que vous savez ce que font les autres ? Vous n’êtes pas allée y voir, n’est-ce pas ?

Et elle crut devoir éclater en sanglots. Elle jeta ses rameaux, elle se laissa emmener à quelques pas par l’abbé Mouret, qui lui parlait très-sévèrement. Il avait tenté de faire taire la Teuse, il commençait à être gêné au milieu de ces grandes filles éhontées, emplissant l’église, avec leurs brassées de verdure. Elles se poussaient jusqu’au degré de l’autel, l’entouraient d’un coin de forêt vivante, lui apportaient le parfum rude des bois odorants, comme un souffle monté de leurs membres de fortes travailleuses.

— Dépêchons, dépêchons, dit-il en tapant légèrement dans ses mains.

— Pardi ! j’aimerais mieux être dans mon lit, murmura la Teuse ; si vous croyez que c’est commode d’attacher tous ces bouts de bois !