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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

Mais Catherine monta le degré, avec une énorme branche d’olivier, sous laquelle elle disparaissait.

— Ah ! tu en as, toi, gamine, reprit la vieille servante.

— Pardi, dit une voix, elle l’a volé. J’ai vu Vincent qui cassait la branche, pendant qu’elle faisait le guet.

Catherine, furieuse, jura que ce n’était pas vrai. Elle s’était tournée, sans lâcher sa branche, dégageant sa tête brune du buisson qu’elle portait ; elle mentait avec un aplomb extraordinaire, inventait une longue histoire pour prouver que l’olivier était bien à elle.

— Et puis, conclut-elle, tous les arbres appartiennent à la sainte Vierge.

L’abbé Mouret voulut intervenir. Mais la Teuse demanda si on se moquait d’elle, à lui laisser si longtemps les bras en l’air. Et elle attacha solidement la branche d’olivier, pendant que Catherine, grimpée sur l’escabeau, derrière son dos, contrefaisait la façon pénible dont elle tournait sa taille énorme, à l’aide de sa bonne jambe ; ce qui fit sourire le prêtre lui-même.

— Là, dit la Teuse, en descendant auprès de celui-ci, pour donner un coup d’œil à son œuvre ; voilà le haut terminé… Maintenant, nous allons mettre des touffes entre les chandeliers, à moins que vous ne préfériez une guirlande qui courrait le long des gradins.

Le prêtre se décida pour de grosses touffes.

— Allons, avancez, reprit la servante, montée de nouveau sur l’escabeau. Il ne faut pas coucher ici… Veux-tu bien baiser l’autel, Miette ? Est-ce que tu t’imagines être dans ton écurie ?… Monsieur le curé, voyez donc ce qu’elles font, là-bas ? Je les entends qui rient comme des crevées.

On éleva une des deux lampes, on éclaira le bout noir de l’église. Sous la tribune, trois grandes filles jouaient à se pousser ; une d’elles était tombée la tête dans le bénitier, ce qui faisait tant rire les autres, qu’elles se laissaient aller