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LES ROUGON-MACQUART.

Elle les refoulait lentement vers la porte, galopant autour d’elles, boitant d’une façon furibonde. Elle avait réussi à les faire sortir jusqu’à la dernière, lorsqu’elle aperçut Catherine tranquillement installée dans le confessionnal avec Vincent ; ils mangeaient quelque chose, d’un air ravi. Elle les chassa. Et comme elle allongeait le cou hors de l’église, avant de fermer la porte, elle vit la Rosalie se pendre aux épaules du grand Fortuné qui l’attendait ; tous deux se perdirent dans le noir, du côté du cimetière, avec un bruit affaibli de baisers.

— Et ça se présente à l’autel de la Vierge ! bégaya-t-elle, en poussant les verrous. Les autres ne valent pas mieux, je le sais bien. Toutes des gourgandines qui sont venues ce soir, avec leurs fagots, histoire de rire et de se faire embrasser par les garçons, à la sortie ! Demain, pas une ne se dérangera ; monsieur le curé pourra bien dire ses Ave tout seul… On n’apercevra plus que les gueuses qui auront des rendez-vous.

Elle bousculait les chaises, les remettait en place, regardait si rien de suspect ne traînait, avant de monter se coucher. Elle ramassa dans le confessionnal une poignée de pelures de pomme, qu’elle jeta derrière le maître-autel. Elle trouva également un bout de ruban, arraché de quelque bonnet, avec une mèche de cheveux noirs, dont elle fit un petit paquet, pour ouvrir une enquête. À cela près, l’église lui parut en bon ordre. La veilleuse avait de l’huile pour la nuit, les dalles du chœur pouvaient aller jusqu’au samedi sans être lavées.

— Il est près de dix heures, monsieur le curé, dit-elle en s’approchant du prêtre toujours agenouillé. Vous feriez bien de monter.

Il ne répondit pas, il se contenta d’incliner doucement la tête.

— Bon, je sais ce que ça veut dire, continua la Teuse.