Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/114

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C’est le curé des Cormiers qui vient dire la messe ; et, comme on compte deux bonnes lieues de chemin, il ne vient que tous les quinze jours. Les maisons, une vingtaine de masures branlantes, sont jetées le long de la grand’route. Des poules grattent le fumier devant les portes. Lorsqu’un étranger passe, les femmes allongent la tête, tandis que les enfants, en train de se vautrer au soleil, se sauvent au milieu des bandes d’oies effarées.

Jamais Jean-Louis n’a été malade. Il est grand et noueux comme un chêne. Le soleil l’a séché, a cuit et fendu sa peau ; et il a pris la couleur, la rudesse et le calme des arbres. En vieillissant, il a perdu sa langue. Il ne parle plus, trouvant ça inutile. D’un pas long et entêté, il marche, avec la force paisible des bœufs.

L’année dernière, il était encore plus vigoureux que ses fils, il réservait pour lui les grosses besognes, silencieux dans son champ, qui semblait le connaître et trembler. Mais, un jour, voici deux mois, ses membres ont craqué tout d’un coup ; et il est resté deux heures en travers d’un sillon, ainsi qu’un tronc abattu. Le lendemain, il a voulu se remettre au travail ; seulement, ses bras s’en étaient allés, la terre ne lui obéissait