Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/117

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vant à une cruche quand il a soif. Il est comme un de ces vieux chevaux qui tombent de fatigue dans un coin, et qu’on laisse mourir. Il a travaillé soixante ans, il peut bien s’en aller, puisqu’il n’est plus bon à rien, qu’à tenir de la place et à gêner le monde.

Les enfants eux-mêmes n’ont pas une grande douleur. La terre les a résignés à ces choses ; ils sont trop près d’elle, pour lui en vouloir de reprendre le vieux. Un coup d’œil le matin, un coup d’œil le soir, ils ne peuvent pas faire davantage. Si le père s’en relevait tout de même, ça prouverait qu’il est rudement bâti. S’il meurt, c’est qu’il avait la mort dans le corps ; et tout le monde sait que, lorsqu’on a la mort dans le corps, rien de l’en déloge, pas plus les signes de croix que les médicaments. Une vache encore, ça se soigne.

Jean-Louis, le soir, interroge d’un regard les enfants sur la moisson. Quand il les entend compter les gerbes, se féliciter du beau temps qui favorise la besogne, il a une joie dans les yeux. Une fois encore, on parle d’aller chercher le médecin ; mais le vieux s’emporte, et l’on craint de le tuer plus vite, si on le contrarie. Il fait seulement demander le garde champêtre, un ancien camarade. Le père Nicolas est son aîné, car il a eu