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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/133

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closes, très doucement pour qu’on ne l’entendît pas, il avait épelé pendant deux années une vieille méthode, trouvée chez un petit libraire. Depuis six mois seulement, il se risquait à jouer, les croisées ouvertes. Il ne savait que des airs anciens, lents et simples, des romances du siècle dernier, qui prenaient une tendresse infinie, lorsqu’il les bégayait avec la maladresse d’un élève plein d’émotion. Dans les soirées tièdes, quand le quartier dormait, et que ce chant léger sortait de la grande pièce éclairée d’une bougie, on aurait dit une voix d’amour, tremblante et basse, qui confiait à la solitude et à la nuit ce qu’elle n’aurait jamais dit au plein jour.

Souvent même, comme il savait les airs de mémoire, Julien soufflait sa lumière, par économie. Du reste, il aimait l’obscurité. Alors, assis devant une fenêtre, en face du ciel, il jouait dans le noir. Des passants levaient la tête, cherchaient d’où venait cette musique si frêle et si jolie, pareille aux roulades lointaines d’un rossignol. La vieille flûte de bois jaune était un peu fêlée, ce qui lui donnait un son voilé, le filet de voix adorable d’une marquise d’autrefois, chantant encore très purement les menuets de sa jeunesse. Une à une, les notes s’envolaient avec leur petit