Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/134

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bruit d’ailes. Il semblait que le chant vînt de la nuit elle-même, tant il se mêlait aux souffles discrets de l’ombre.

Julien avait grand’peur qu’on se plaignît dans le quartier. Mais on a le sommeil dur, en province. D’ailleurs, la place des Quatre-Femmes n’était habitée que par un notaire, maître Savournin, et un ancien gendarme retraité, le capitaine Pidoux, tous deux voisins commodes, couchés et endormis à neuf heures. Julien redoutait davantage les habitants d’un noble logis, l’hôtel de Marsanne, qui dressait de l’autre côté de la place, juste devant ses fenêtres, une façade grise et triste, d’une sévérité de cloître. Un perron de cinq marches, envahi par les herbes, montait à une porte ronde, que des têtes de clous énormes défendaient. L’unique étage alignait dix croisées, dont les persiennes s’ouvraient et se fermaient aux mêmes heures, sans rien laisser voir des pièces, derrière les épais rideaux toujours tirés. À gauche, les grands marronniers du jardin mettaient un massif de verdure, qui élargissait la houle de ses feuilles jusqu’aux remparts. Et cet hôtel imposant, avec son parc, ses murailles graves, son air de royal ennui, faisait songer à Julien que, si les Marsanne n’aimaient pas la flûte, ils n’auraient certainement