Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/136

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si touffus, qu’ils cachaient sous leurs branches les allées du jardin. Et cette existence hermétiquement close, hautaine et muette, redoublait l’émotion du jeune homme. La richesse, c’était donc cette paix morne, où il retrouvait le frisson religieux qui tombe de la voûte des églises ?

Que de fois, avant de se coucher, il avait soufflé sa bougie et était resté une heure à sa fenêtre, pour surprendre ainsi les secrets de l’hôtel de Marsanne ! La nuit, l’hôtel barrait le ciel d’une tache sombre, les marronniers étalaient une mare d’encre. On devait soigneusement tirer les rideaux à l’intérieur, pas une lueur ne glissait entre les lames des persiennes. Même la maison n’avait point cette respiration des maisons habitées, où l’on sent les haleines des gens endormis. Elle s’anéantissait dans le noir. C’était alors que Julien s’enhardissait et prenait sa flûte. Il pouvait jouer impunément ; l’hôtel vide lui renvoyait l’écho des petites notes perlées ; certaines phrases ralenties se perdaient dans les ténèbres du jardin, où l’on n’entendait seulement pas un battement d’ailes. La vieille flûte de bois jaune semblait jouer ses airs anciens devant le château de la Belle-au-Bois-dormant.

Un dimanche, sur la place de l’église, un des