Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/142

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Un de ses plus ardents désirs, bien qu’il ne se l’avouât pas, était de revoir Thérèse. Il se l’imaginait le visage rose, l’air moqueur, avec des yeux luisants. Mais, comme il ne se hasardait pas le jour à sa fenêtre, il ne l’entrevoyait que la nuit, toute grise d’ombre. Un matin, au moment où il refermait une de ses persiennes, pour se garantir du soleil, il aperçut Thérèse debout au milieu de sa chambre. Il resta cloué, n’osant risquer un mouvement. Elle semblait réfléchir, très grande, très pâle, la face belle et régulière. Et il eut presque peur d’elle, tant elle était différente de l’image gaie qu’il s’en était faite. Elle avait surtout une bouche un peu grande, d’un rouge vif, et des yeux profonds, noirs et sans éclat, qui lui donnaient un air de reine cruelle. Lentement, elle vint à la fenêtre ; mais elle ne parut pas le voir, comme s’il était trop loin, trop perdu. Elle s’en alla, et le mouvement rythmé de son cou avait une grâce si forte, qu’il se sentit à côté d’elle plus débile qu’un enfant, malgré ses larges épaules. Quand il la connut, il la redouta davantage.

Alors, commença pour le jeune homme une existence misérable. Cette belle demoiselle, si grave et si noble, qui vivait près de lui, le désespérait. Elle ne le regardait jamais, elle ignorait son exis-