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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/145

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chaque soir, s’étonnait de cette musique vivante, dont les phrases, volant de toiture en toiture, attendaient la nuit pour faire un pas vers elle. Elle sentait bien que la sérénade marchait vers sa fenêtre, elle se haussait parfois, comme pour voir par-dessus les maisons. Puis, une nuit, le chant éclata si près, qu’elle en fut effleurée ; elle le devina sur la place, dans une des vieilles demeures qui sommeillaient. Julien soufflait de toute sa passion, la flûte vibrait avec des sonneries de cristal. L’ombre lui donnait une telle audace, qu’il espérait l’amener à lui par la force de son chant. Et Thérèse, en effet, se penchait, comme attirée et conquise.

— Rentrez, dit la voix de la dame âgée. La nuit est orageuse, vous aurez des cauchemars.

Cette nuit-là, Julien ne put dormir. Il s’imaginait que Thérèse l’avait deviné, l’avait vu peut-être. Et il brûlait sur son lit, il se demandait s’il ne devait pas se montrer le lendemain. Certes, il serait ridicule, en se cachant davantage. Pourtant, il décida qu’il ne se montrerait pas, et il était devant sa fenêtre, à six heures, en train de remettre sa flûte dans l’étui, lorsque les persiennes de Thérèse s’ouvrirent brusquement.

La jeune fille, qui ne se levait jamais avant huit heures, parut en peignoir, s’accouda, les cheveux