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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/149

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dant de longs mois, ouvrir les yeux et prêter les oreilles, il ignorait encore l’existence intérieure de cette maison solennelle, où il emprisonnait son être. Des bruits vagues, des lueurs perdues l’égaraient. Étaient-ce des fêtes, étaient-ce des deuils ? il ne savait, la vie était sur l’autre façade. Il rêvait ce qu’il voulait, selon ses tristesses ou ses joies : des jeux bruyants de Thérèse et de Colombel, des promenades lentes de la jeune fille sous les marronniers, des bals qui la balançaient aux bras des danseurs, des chagrins brusques qui l’asseyaient pleurante dans des pièces sombres. Ou bien il n’entendait peut-être que les petits pas du marquis et de la marquise trottant comme des souris sur les vieux parquets. Et, dans son ignorance, il voyait toujours la seule fenêtre de Thérèse trouer ce mur mystérieux. La jeune fille, journellement, se montrait, plus muette que les pierres, sans que jamais son apparition amenât un espoir. Elle le consternait, tant elle restait inconnue et loin de lui.

Les grands bonheurs de Julien étaient les heures où la fenêtre demeurait ouverte. Alors, il pouvait apercevoir des coins de la chambre, pendant l’absence de la jeune fille. Il mit six mois à savoir que le lit était à gauche, un lit dans une alcôve, avec