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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/157

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du jardin, puis restait là, allongée, refusant obstinément de se lever, malgré les corrections qu’on se décidait à lui administrer parfois.

Jamais on ne savait ce qu’elle pensait. Déjà, dans ses grands yeux d’enfant, elle éteignait toute flamme ; et, au lieu de ces clairs miroirs où l’on aperçoit si nettement l’âme des fillettes, elle avait deux trous sombres, d’une épaisseur d’encre, dans lesquels il était impossible de lire.

À six ans, elle commença à torturer Colombel. Il était petit et chétif. Alors, elle l’emmenait au fond du jardin, sous les marronniers, à un endroit assombri par les feuilles, et elle lui sautait sur le dos, elle se faisait porter. C’étaient des chevauchées d’une heure, autour d’un large rond-point. Elle le serrait au cou, lui enfonçait des coups de talons dans les flancs, sans le laisser reprendre haleine. Il était le cheval, elle était la dame. Lorsque, étourdi, il semblait près de tomber, elle lui mordait une oreille au sang, se cramponnait d’une étreinte si furieuse, qu’elle lui entrait ses petits ongles dans la chair. Et le galop reprenait, cette reine cruelle de six ans passait entre les arbres, les cheveux au vent, emportée par le gamin qui lui servait de bête.

Plus tard, en présence de ses parents, elle le