Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/158

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pinçait, et lui défendait de crier, sous la continuelle menace de le faire jeter à la rue, s’il parlait de leurs amusements. Ils avaient de la sorte une existence secrète, une façon d’être ensemble, qui changeait devant le monde. Quand ils étaient seuls, elle le traitait en joujou, avec des envies de le casser, curieuse de savoir ce qu’il y avait dedans. N’était-elle pas marquise, ne voyait-elle pas les gens à ses pieds ? Puisqu’on lui laissait un petit homme pour jouer, elle pouvait bien en disposer à sa fantaisie. Et, comme elle s’ennuyait de régner sur Colombel, loin de tous les yeux, elle s’offrait ensuite le plaisir plus vif de lui allonger un coup de pied ou de lui enfoncer une épingle dans le bras, au milieu d’une nombreuse compagnie, en le magnétisant de ses yeux sombres, pour qu’il n’eût même pas un tressaillement.

Colombel supporta cette existence de martyr, avec des révoltes muettes qui le laissaient tremblant, les yeux à terre, afin d’échapper à la tentation d’étrangler sa jeune maîtresse. Mais il était lui-même de tempérament sournois. Cela ne lui déplaisait pas d’être battu. Il y goûtait une récréation âpre, s’arrangeait parfois pour se faire piquer, attendait la piqûre avec un frisson furieux et satisfait de sentir le coup d’épingle ; et il se