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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/183

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V


Julien était d’une force de taureau. Tout jeune, dans la forêt voisine de son village, il s’amusait à aider les bûcherons, il chargeait des troncs d’arbre sur son échine d’enfant. Aussi portait-il le petit Colombel aussi légèrement qu’une plume. C’était un oiseau sur son cou, ce cadavre d’avorton. Il le sentait à peine, il était pris d’une joie mauvaise, à le trouver si peu lourd, si mince, si rien du tout. Le petit Colombel ne ricanerait plus en passant sous sa fenêtre, les jours où il jouerait de la flûte ; il ne le criblerait plus de ses plaisanteries, dans la ville. Et, à la pensée qu’il tenait là un rival heureux, raide et froid, Julien éprouvait le long des reins un frémissement de satisfaction. Il le remontait sur sa nuque d’un coup d’épaule, il serrait les dents et hâtait le pas.