Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/184

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La ville était noire. Cependant, il y avait de la lumière sur la place des Quatre-Femmes, à la fenêtre du capitaine Pidoux ; sans doute le capitaine se trouvait indisposé, on voyait le profil élargi de son ventre aller et venir derrière les rideaux. Julien, inquiet, filait le long des maisons d’en face, lorsqu’une légère toux le glaça. Il s’arrêta dans le creux d’une porte, il reconnut la femme du notaire Savournin, qui prenait l’air, en regardant les étoiles avec de gros soupirs. C’était une fatalité ; d’ordinaire, à cette heure, la place des Quatre-Femmes dormait d’un sommeil profond. Madame Savournin, heureusement, alla retrouver enfin sur l’oreiller maître Savournin, dont les ronflements sonores s’entendaient du pavé, par la fenêtre ouverte. Et, quand cette fenêtre fut refermée, Julien traversa vivement la place, en guettant toujours le profil tourmenté et dansant du capitaine Pidoux.

Pourtant, il se rassura, dans l’étranglement de la rue Beau-Soleil. Là, les maisons étaient si rapprochées, la pente du pavé si tortueuse, que la clarté des étoiles ne descendait pas au fond de ce boyau, où semblait s’alourdir une coulée d’ombre. Dès qu’il se vit ainsi abrité, une irrésistible envie de courir l’emporta brusquement dans un galop furieux. C’était dangereux et stupide, il en