Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/218

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un charme infini, bercée ainsi par l’air du soir. De grands vols de hannetons donnaient aux arbres un bourdonnement. Quand il faisait chaud, ces lourdes bêtes ronflaient jusqu’à la nuit aux oreilles des promeneurs ; les filles avaient de petits cris, des jupes fuyantes passaient rapidement avec un bruit de drapeau ; pendant que, là-bas, sans doute dans le cabaret de la mère Sens, un sonneur de cor jetait une fanfare, qui arrivait, mélancolique et perdue, comme du fond d’un bois légendaire. La nuit devenait noire, les rires se mouraient, et l’on n’apercevait plus, dans les ténèbres, que le quinquet éclatant de la station de Fontenay-aux-Roses.

À la gare, on s’écrasait. C’était une petite gare, avec une salle d’attente très étroite. Les jours où un orage éclatait, les promeneurs éreintés étouffaient là dedans. Les beaux soirs, on restait dehors. Toutes les femmes emportaient des brassées de fleurs. Et les rires recommençaient, fouettés par l’impatience. Puis, dès qu’on s’était entassé dans les wagons, les voyageurs souvent, d’un bout à l’autre du train, entonnaient le même refrain imbécile, concert formidable qui dominait le bruit des roues et le ronflement de la locomotive. Les fleurs débordaient des portières, les femmes agitaient leurs bras nus, se renversaient au cou de leurs amou-