Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/227

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Nous, étendus sur les bancs, nous causions, pris de paresse. Mais, chaque fois que la barque arrivait en vue des îles, par les temps calmes, la conversation tombait, un recueillement invincible nous envahissait peu à peu.

En face, au-dessus de l’eau blanche, les trois îles se présentaient sur une même ligne, avec leurs pointes arrondies, leurs proues énormes de verdures. C’étaient, sur le couchant empourpré, trois bouquets d’arbres, au jet puissant, aux cimes vertes, endormies dans l’air. On aurait dit trois navires à l’ancre, trois Léviathans, dont les mâtures se seraient miraculeusement couvertes de feuillages. Et, dans la nappe d’eau, dans le miroir d’argent qui s’étendait, démesuré, sans une ride, les îles se reflétaient, enfonçant leurs arbres, prolongeant leurs rives. Une sérénité, une majesté, venaient de ces deux azurs, le ciel et le fleuve, où le sommeil des arbres était si pur. Le soir surtout, quand pas une feuille ne remuait, quand la nappe d’eau prenait le poli bleuâtre de l’acier, le spectacle s’élargissait encore et faisait rêver d’infini.

Nous descendions toujours, nous entrions dans un bras de rivière, entre les îles. Alors, c’était un charme plus intime. Les arbres, aux deux bords, se penchaient, changeaient la rivière en une grande