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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/228

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allée de jardin. Sur nos têtes, il n’y avait plus qu’une bande de ciel ; tandis que, devant nous, au loin, s’ouvrait une échappée de Seine, un courant qui fuyait avec un froissement continu d’écailles d’argent, des coteaux boisés, le clocher perdu d’un village. Dans les îles, après la fenaison, des prairies déroulaient un velours tendre, coupé des rayons obliques du soleil. Un martin-pêcheur jetait un cri, mettait au-dessus de l’eau l’éclair rose et vert de son vol. En haut des arbres, des ramiers roucoulaient. C’était une paix souveraine, une fraîcheur délicieuse, l’impression grande et forte d’un parc séculaire, où de puissantes dames, anciennement, auraient aimé.

Puis, nous nous engagions dans un des petits bras ; et, là, nous trouvions une joie encore. Le maniement des rames devenait impossible. Il fallait s’abandonner et se servir de la gaffe, dans les endroits difficiles. Les murs des arbres s’étaient resserrés, les cimes se rejoignaient, on filait sous une voûte, sans apercevoir un coin de ciel. Des saules centenaires, à moitié déracinés par le courant, montraient l’emmêlement de leurs racines, pareilles à des nœuds de couleuvres ; leurs troncs semblaient pourris, se penchaient, dans des attitudes tragiques de noyés, retenus par les cheveux ;