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V


Que de belles matinées passées ainsi sur la rivière ! Le matin, une buée légère se dégageait de l’eau. On aurait dit des mousselines qui s’envolaient, en accrochant des lambeaux de leur fin tissu aux arbres de la rive. Les peupliers semblaient tout vêtus de blanc. Puis, quand le soleil se levait, leur robe tombait mollement comme une robe de mariée, au jour des noces ; ils fumaient un instant dans l’air, et luisaient, avec un petit frisson de leurs feuilles.

Nous aimions ces matinées de blanches vapeurs, nous allions sur l’eau voir le soleil grandir. Autour de nous, la rivière exhalait une haleine laiteuse. Brusquement, un rayon jaillissait, une trouée d’or empourprait le brouillard. Pendant quelques minutes, les tons les plus délicats, le rose pâle, le bleu tendre, le violet adouci d’une pointe de laque, se fondaient dans l’air vague. Puis, c’était comme si un coup de vent avait passé. Les vapeurs s’en étaient allées, la rivière, très bleue,