Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/28

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m’attendras à la porte… Je veux voir ce que cette crapule a dans le ventre, et s’il osera aller demain chez le colonel, comme il m’en a menacé… Avec un boucher, nom de Dieu ! se compromettre avec un boucher ! Ah ! tu n’es pas fier, toi ! c’est ce que je ne te pardonnerai jamais !

Ils arrivaient à la place aux Herbes. La maison de Gagneux était toute noire ; mais Laguitte frappa violemment, et l’on finit par lui ouvrir. Resté seul dans la nuit épaisse, le capitaine Burle ne songea même pas à chercher un abri. Il demeurait planté au coin du marché, debout sous la pluie battante, la tête pleine d’un grand bourdonnement qui l’empêchait de réfléchir. Il ne s’ennuya pas, il n’eut pas conscience du temps. La maison, avec sa porte et ses fenêtres closes, était comme morte ; et il la regardait. Lorsque le major en sortit au bout d’une heure, il sembla au capitaine qu’il venait à peine d’y entrer.

Laguitte, l’air sombre, ne dit rien. Burle n’osa l’interroger. Un instant, ils se cherchèrent, se devinant dans les ténèbres. Puis, ils se remirent à suivre les rues obscures, où l’eau roulait comme dans un lit de torrent. Ils allaient ainsi côte à côte, vagues et muets ; le major, enfoncé dans son silence, ne jurait même plus. Pourtant, comme ils pas-