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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/298

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ainsi chez nous : la bonne chance, c’est de ne jamais se battre, d’avoir beaucoup d’enfants et d’amasser des sacs d’écus. Puis, on chanta. Gaspard savait des chansons d’amour en patois. Enfin, on demanda un cantique à Marie : elle s’était mise debout, elle avait une voix de flageolet, très fine, et qui vous chatouillait les oreilles.

Pourtant, j’étais allé devant la fenêtre. Comme Gaspard venait m’y rejoindre, je lui dis :

— Il n’y a rien de nouveau, par chez vous ?

— Non, répondit-il. On parle des grandes pluies de ces jours derniers, on prétend que ça pourrait bien amener des malheurs.

En effet, les jours précédents, il avait plu pendant soixante heures, sans discontinuer. La Garonne était très grosse depuis la veille ; mais nous avions confiance en elle ; et, tant qu’elle ne débordait pas, nous ne pouvions la croire mauvaise voisine. Elle nous rendait de si bons services ! elle avait une nappe d’eau si large et si douce ! Puis, les paysans ne quittent pas aisément leur trou, même quand le toit est près de crouler.

— Bah ! m’écriai-je en haussant les épaules, il n’y aura rien. Tous les ans, c’est la même chose : la rivière fait le gros dos, comme si elle était furieuse, et elle s’apaise en une nuit, elle rentre